- Contexte de l’évaluation
Depuis 2015, plusieurs régions du Niger ont été l’objet de violences commises par des organisations extrémistes violentes (OEV). Dans la région de Diffa, plusieurs factions issues de Boko Haram ont fait subir des violences aux populations locales tout en poursuivant leurs attaques contre les forces de sécurité. Il est estimé qu’au Niger plus de 20 000 civils ont perdu la vie conséquence des OEV depuis 2015 selon les déclarations du gouvernement. De par sa localisation géographique, la région est particulièrement touchée par l’insécurité et la situation humanitaire ayant résulté de cette crise, impactant ainsi sur les infrastructures publiques et privées. Sur le plan humanitaire, dans la région de Diffa plus de 200 000 réfugiés nigérians sont accueillis ainsi que 150 000 personnes déplacées internes (PDI) constituées globalement de 51% d’homme et 49% de femme majoritairement jeune, avec 65% de moins de 18 ans. Le chef-lieu de la région de Diffa a eu un accroissement de sa population dû à l’arrivée de ses PDI/refugiés et qui sont répartis dans les quartiers de la ville.
Les violences commises par les OEV, combinées aux mesures gouvernementales et aux opérations antiterroristes, ont en outre entrainé un fort ralentissement de l’activité économique des communautés vivant principalement de l’agriculture pluviale, l’élevage et la pèche. Dans la région, un grand nombre de déplacés internes et de réfugiés (90%) venus de pays limitrophes sont confrontés à des situations critiques, en particulier dans les zones difficilement accessibles aux acteurs humanitaires. La plupart des déplacés résident chez des ménages hôtes où ils se regroupent spontanément, augmentant ainsi la pression sur les communautés hôtes et les ressources disponibles.
Au lendemain de son élection en mars 2021, dans une volonté de contribuer à la résolution de la crise sécuritaire dans le bassin du Lac Tchad, le Président Mohamed Bazoum s’est engagé à assurer le retour des PDIs et des réfugiés dans leurs communautés et pays d'origine pour renforcer la stabilisation de la région. Cette volonté politique s'est concrétisée en juin 2021 par le retour de 40 138 PDI (soit 7 376 ménages) dans 23 villages dans les communes de Bosso, Gueskerou et Kablewa[1]. Au 13 septembre 2021, les données des autorités de la région répertorient un total de 35 445 personnes dont 13 469 jeunes de moins de 35 ans (y compris 7 004 jeunes femmes) ayant rejoint les communes de Bosso, Gueskerou et Kablewa. Malgré les efforts du gouvernement, certains préalables nécessaires au relèvement et au retour volontaire durable des PDIs dans leurs communautés d’origine n’ont pu être réunis, notamment le renforcement de la sécurité, la prévention de conflits et cohésion sociale, la disponibilité des moyens de subsistance, et les services sociaux de base qui sont pour certaines zones inexistantes et pour d’autres limitées en services.
Selon l'indice de stabilité de l'OIM de mars 2021, qui concentre sa collecte de données au niveau administratif le plus bas possible dans la région de Diffa, l'accès aux services de santé, au marché, aux terres agricoles et aux zones de pêche est faible. Les résultats suggèrent que la perception de la stabilité dans la région de Diffa au Niger dépend fortement des indicateurs de l'échelle de sûreté et de sécurité, suivis de l'échelle des moyens de subsistance et des services de base, et dans une moindre mesure des indicateurs de l'échelle de cohésion sociale.
Eu égard à ce qui précède, trois facteurs de fragilité/tensions ont été répertoriés :
1. L’absence des institutions étatiques, facteurs fragilisant un retour durable des communautés
La faible présence des autorités administratives et des services techniques étatiques dans les zones concernées, et l’absence de dialogue inclusif et participatif à tous les niveaux de la société constituent un frein à la bonne gouvernance locale.
Selon les échanges avec les maires mais aussi avec les différents services techniques déconcentrés, les différentes communes ciblées n’abritent plus de façon fonctionnelle des représentations au niveau départemental et communal. Pour certaines, les bâtiments ont été détruits ou sont inutilisables. Selon ces parties prenantes, tout est à refaire comme l’explique les maires des trois communes qui n’ont plus d’espace de travail et d’équipements pour accompagner les communautés. Ces dernières de façon générale y compris les PDIs retournées ont un accès limité aux services sociaux de base (85 % des infrastructures ont été détruites du fait des attaques perpétrées dans les zones concernées) tels que la santé, le bien-être psychosocial, l’éducation et les centres de formation professionnelle. Le gouvernement a mis en place des mécanismes régionaux dans la région de Diffa qui bénéficient donc d’un certain soutien qui découle de la mise en œuvre du Plan de Développement Régional (PDR) et qui devrait être traduit au niveau communal. Cependant au niveau du Plan de Développement Économique et Social 2017-2021, on relève des faiblesses telles la faible mobilisation des ressources propres (plus de 60% des communes ne maîtrisent pas le potentiel fiscal) et l’inefficacité de la dépense publique en lien avec les défis du développement ; la mauvaise gouvernance des collectivités territoriales (moins de 20% des communes ont respecté les délais de dépôt de leur compte de gestion, faible suivi budgétaire) ; la non effectivité du transfert des compétences et des ressources ; le faible encadrement technique des Collectivités Territoriales avec des ressources humaines en quantité et en qualité suffisantes.
Ces faiblesses de la gouvernance locale impactent de façon directe et indirecte le quotidien des communautés hôtes, retournées et refugiés des communes de Bosso, Gueskerou et Kablewa. Selon le rapport du diagnostic des zones frontalières en vue de l’élaboration de la politique nationale des frontières, ces zones sont laissées pour compte et cela facilite la présence des bandits et des membres présumés de groupes armés non étatiques. Ce qui ne fait qu’augmenter le fossé entre les communautés et l’Etat, ayant pour effet la méfiance vis-à-vis de l’état. Selon le maire de Bosso, des millions de Franc CFA sont perdus chaque jour provenant des impôts sur les activités agricoles de la commune dû à la faible présence des autorités afin d’assurer leur rôle régalien qui est principalement la mise en œuvre du Plan de Développement Communal (PDC). Ces dit plans sont aujourd’hui obsolète face au changement du contexte de ces communes, et devront être mise en jours.
De plus, du fait du déplacement des populations, les structures communautaires de cohésion sociale, tels que les Comités Communaux de Paix (CCP) mis en place par la HACP mais aussi les associations et les coopératives locales sont presque inexistants. Selon une consultation avec le Gouverneur de la région, pour les actions de prévention et gestion des conflits, l’accent doit être mis sur la restauration de l’autorité de l’état et les structures communautaires de cohésion. Selon l’évaluation des besoins multisectoriels (MSNA), à Diffa, 90% des ménages retournés sont en situation de déplacement depuis au moins un an. Si 85% d’entre eux ont quitté leur localité d’origine par suite de conflits armés, 10% ont rapporté que leur déplacement était initialement lié à des conflits communautaires (contre moins de 5% des ménages PDIs et réfugiés). Les ménages retournés semblent globalement moins ciblés que les ménages déplacés internes et réfugiés par l’assistance humanitaire : seulement 36% d’entre eux ont rapporté avoir reçu une assistance humanitaire au cours des 30 jours précédant la collecte de données contre 42% des ménages PDI et 54% des ménages réfugiés. Selon l’enquête MSNA, les ménages retournés semblent avoir des lacunes importantes liées à leurs conditions de vie, notamment en termes d’accès aux ressources et infrastructures de base. 15% des ménages ont ainsi rapporté mettre plus de 30 minutes pour aller et revenir de leur principale source d’eau. 44% des ménages retournés ont par ailleurs rapporté avoir subi des restrictions de mouvement (dans la grande majorité des cas, liées aux mesures gouvernementales en raison de l’insécurité dans la zone), ce qui peut impacter la capacité des ménages à accéder aux ressources, services et moyens d’existence. (Rapport UNHCR 2021).
2. L’accès aux opportunités économiques constitue la pierre angulaire des dynamiques de conflits externes et internes, fragilisant la cohésion sociale et le vivre ensemble
Les populations retournées particulièrement vulnérables qui ont dû abandonner une partie, voire l’ensemble de leurs ressources matérielles lors de leur départ, retrouvent à leur retour leurs biens et ressources détruits, volés ou exploités par d’autres (1% de la population actuelle déplacée avant 2014 ; 38% en 2014 ; 46% en 2015 ; 14% en 2016 et 1% en 2017). Les ménages sont alors souvent obligés de se reconvertir vers des activités moins rémunératrices sur leur nouveau lieu d’installation. Ces facteurs contribuent à fragiliser les moyens de subsistance des ménages déplacés, déjà limités par des composantes externes telles que le changement climatique et l’insécurité. Ils peuvent aussi engendrer des conflits ou des tensions avec les populations qui sont restées dans leurs terroirs malgré les difficultés.
Les activités génératrices de revenus les plus pratiquées par les populations cibles qui sont majoritairement jeunes (65% dont 49% féminine) sont l’agriculture de subsistance (45%) et les petits commerces (27%). Les autres activités fréquentes incluent l’artisanat (12%), le travail journalier (11%), collecte et vente de bois (10%) et élevage (6%). L’évolution des activités économiques pendant le déplacement souligne la perte probable des moyens de production par une partie des ménages déplacés, ce qui expliquerait l’augmentation des moyens de subsistance nécessitant peu ou pas d’outils de production (travail journalier, collecte et vente de bois, artisanat, etc.). L’augmentation importante du commerce indépendant/petit commerce peut être expliquée par les restrictions sur la pêche et l’agriculture (du fait des restrictions sur l’irrigation pour cause d’insécurité autour du lac), qui constituaient des activités économiques majeures des personnes avant leur déplacement. L’augmentation importante de l’agriculture de subsistance est vraisemblablement due à la nécessité de trouver des sources alternatives de nourriture du fait de la baisse du pouvoir d’achat et l’incapacité de pratiquer l’emploi habituel, ainsi qu’une cohabitation positive avec les communautés hôtes (sans qui les terres ne seraient pas disponibles). Enfin, l’augmentation de la collecte et vente de bois comme activité génératrice de revenus est une préoccupation qui pourrait entraîner des conséquences néfastes sur l’environnement dans des zones déjà affectées par la désertification.
Le changement climatique est considéré comme ayant de redoutables conséquences sur le plan environnemental et affectant grandement les secteurs économiques sur lesquels reposent les activités de production du fait d’être une communauté agricole. Dans l’ensemble, les trois événements climatiques les plus fréquents sont : l’augmentation des températures (75,5%), la sécheresse (63,9%) et les vents violents (34,6%). Selon l’étude sur le lien entre la Migration, l’Environnement et le Changement Climatique (MECC) de l’OIM sur l’ensemble des régions du Niger dont Diffa, l’impact principal sur l’activité socio-économique est la baisse de la production agricole. S’ensuivent des conditions de vie devenues plus difficiles et la diminution du cheptel. Cela permet de comprendre le rôle du changement climatique dans l’endurcissement des conditions de vie qui a tendance à installer les populations dans une spirale d’endettement et décapitalisation qui les confine dans une précarité multiforme. Le manque d’accompagnement sur l’utilisation optimale des ressources naturelles disponibles, couplé au manque de ressources financières comme mesure d’accompagnement ont rendu les petits commerces (commerce transfrontalier et local) au fil du temps, la première source de revenu malgré le fait qu’ils soient peu rentable. Le taux de chômage de plus de 95% dans ces zones, pousse les PDIs retournées à vouloir se réinstaller dans des centres pour personnes déplacées ou dans d'autres communautés. A terme, cela constituera une source additionnelle de conflits inter et intracommunautaires, du fait de la concurrence pour l’accès aux ressources déjà limitées dans la région de Diffa. A Diffa, par exemple, 59% des populations non déplacées n’ont pas accès aux infrastructures sanitaires contre 3% pour les PDIs,10% pour les réfugiés et 8% pour les retournés.
Le diagnostic des zones frontalières notamment celui de Diffa, en vue de l’élaboration de la politique nationale des frontières, montre un état chronique de sous équipement qui se caractérise par : - Une forte concentration des populations le long des frontières du sud du pays créant un déséquilibre en matière d’accès aux services sociaux de base avec une pression foncière et une insuffisance de moyens de production ; - Un sous-équipement des villages frontaliers en infrastructures sociales de base (écoles, centres de santé, points d’eau) et l’état de délabrement des quelques infrastructures existantes ; - Un manque d’infrastructures de transport adéquats et l’état de dégradation avancée des infrastructures routières existantes pouvant faciliter l’accessibilité aux zones frontalières et leur connexion aux principaux grands centres et aux marchés. Cela a contribué à rendre l’économie de ces zones fortement dépendante des pays voisins. A titre illustratif, les populations de Nguigmi (Diffa) utilisent plus les monnaies Tchadienne et Nigériane que la monnaie locale. Le même constat s’observe dans tous les villages frontaliers avec le Nigéria où la Naira est beaucoup plus utilisée que le FCFA ; -Un faible aménagement des équipements marchands, surtout des marchés frontaliers pourtant dynamiques dans les échanges commerciaux transfrontaliers ; - Une insuffisance de sources d’énergie et d’infrastructures de communication (radio, télévision, réseau téléphonique) dans les zones frontalières.
3. Le genre et la question de protection sociale
Les perceptions sociales liées aux rôles que devront jouer les femmes ou les hommes dans les communautés renforcent et maintiennent les violences dans les communautés. Ainsi, ce projet a pour objectif de soutenir les efforts des représentants des communautés marginalisées des femmes et des jeunes pour amorcer un changement social à long terme. Le changement climatique et la situation sécuritaire en constante dégradation ont des impacts contrastés sur les populations en général et plus particulièrement les femmes et les jeunes au Niger, surtout dans les zones rurales où les femmes font face à une superposition de vulnérabilités sur fond d’inégalités économiques et sociales renforcées par des normes culturelles et de certaines interprétations des prescriptions religieuses. Le changement climatique et la dégradation des milieux biophysiques résultant des facteurs climatiques a entraîné plusieurs effets préjudiciables, notamment l’appauvrissement des terres de cultures et de pâturages, l’ensablement des cuvettes, l’assèchement voire la disparition des points d’eau et la perte de diversité biologique qui se traduit par la disparition de certaines espèces végétales. Ces phénomènes engendrent une dégradation des conditions de vie des populations qui tirent en grande partie leurs moyens d’existence de l’exploitation des ressources naturelles. Les pratiques liées à l’inégalité entre le genre, telles que le faible niveau d’instruction des filles et le mariage des enfants, affectent également la capacité décisionnelle, économique et d’inclusion des femmes plus tard dans la vie. Cela entretient le cycle de pauvreté qui est un terreau fertile pour la survenue des conflits dans un contexte de rareté des ressources naturelles.
En effet, selon une analyse du genre avec focus sur les violences basées sur le genre menée par CARE au Niger (2022)[2] dans plusieurs communes de la région de Diffa, la forme de VBG la plus fréquente est la violence économique (54%), par exemple le fait d’empêcher d‘avoir accès aux ressources et la dépense des ressources sans accord. Des formes de violence comme la violence conjugale (40%), le mariage forcé (28%) et le mariage précoce (69%) sont aussi fréquents. Les survivantes de VBG sont en majorité des femmes et des filles (81%). Également, l’analyse rapporte que les VBG demeurent un grand tabou et les incidents ne sont pas toujours signalés à cause de la peur de la stigmatisation ou de représailles. L’analyse montre aussi la perception d’un risque sécuritaire pour les femmes et les filles, en particulier lié à l’absence de lieux sûrs au sein de la communauté, la traite des êtres humains, le risque d’agression lors d’un déplacement soit au sein ou en dehors de la communauté, l’impossibilité d’avoir accès aux services et aux ressources, le manque d’intimité à la maison et l’insécurité à domicile.
Selon une évaluation menée en 2017 par le sous-groupe de travail VBG à Diffa, les participants ont déclaré que la plupart des femmes ou des filles qui souffrent de toutes formes de violence ne les dévoilent pas souvent, même à leurs proches. Les femmes ou jeunes filles auraient peur des représailles des auteurs et de leurs familles, ou de la stigmatisation dans la communauté. Dans certains cas, la jeune fille, victime de viol est traitée directement à la maison et seulement dans de rares cas, la fille est ensuite transportée au dispensaire 41. Ce qui peut justifier la faible proportion des ménages (10%) qui jugent prioritaire l’accès à des services de prise en charge pour les violences basées sur le genre ; l’accent étant plus mis sur l’accès à des services de protection de l’enfant (38%), parmi les ménages ayant rapporté l’assistance en protection dans leur trois besoins prioritaires (MSNA 2020). Le manque de prise en charge adéquat peut, à la longue avoir une incidence sur la santé physique et mentale des victimes. (Rapport UNHCR 2021). Dans le rapport d’analyse de protection la plus récente (UNHCR, Juillet 2022) pour le sud du Niger, y compris Diffa, il est noté que les incursions des groupes armés non étatiques (GANE) sont souvent accompagnées par de nouveaux mouvements de population et des violations des droits humains. Pour la période de janvier à juin 2022, il a été relevé un total de 173 incidents de protection, avec 1866 victimes. Dans la région de Diffa, les enlèvements en particulier constituent un risque important, suivi par le vol et extorsion de biens ainsi que toute forme d’agression physique aussi grave. Les enlèvements ont un impact traumatisant sur la population qui peut se traduire par la stigmatisation des survivants. Les mouvements de population et autres pratiques de sécurité sont enclenchés pour échapper aux enlèvements et certains parents se voient dans l’obligation de se séparer de leurs enfants, notamment leurs filles pour les mettre en sécurité en dehors de leurs localités afin de prévenir des potentiels enlèvements et violences sexuelles par les éléments des GANE. En outre, l’analyse montre une augmentation significative (presque 25%) des incidents de protection dans le premier semestre 2022 par rapport au dernier semestre 2021. Selon des ressources UNFPA, parmi les incidents de protection, il y a eu 712 victimes de VBG dont 29 cas de viols, 101 d'agressions sexuelles, 173 d'agressions physiques, 34 de mariages d'enfants, 278 de déni de ressources et d'opportunités et 90 cas de violences psychologiques et émotionnelles.
D’autres part le Niger, à l’instar des autres pays, conscient des inégalités de genre, a ratifié
plusieurs conventions et résolutions des conférences internationales visant l’amélioration des
conditions de vie et le bien être des femmes. L’État a élaboré et adopté une loi instituant le système de quotas dans les fonctions électives au gouvernement et dans l’administration d’État. Elle vise pour les élections législatives ou locales au moins 30% de femmes élues, pour le gouvernement 25% des portefeuilles aux femmes. Bien qu’il s’agisse de mesures transitoires comme le précise cette même loi, on ne peut que déplorer l’extrême faiblesse des pourcentages car, ils ne sont pas de nature à réduire véritablement la disparité qui existe entre les genres dans ce domaine. On compte aujourd'hui sept femmes ministres dont l’une occupe le portefeuille “fatidique“ de la population et promotion de la femme sur un gouvernement de 23 personnes. Par ailleurs, elles sont rares dans les structures dirigeantes des partis politiques où elles occupent toujours les secrétariats à la promotion de la femme. Et l’important travail de mobilisation et de propagande qu’elles accomplissent à la base est récupéré par les hommes politiques leaders car elles sont rarement présentes aux réunions stratégiques de prise de décision. En fait, les quotas servent plutôt à atteindre des pourcentages, ce qui ne garantit nullement un accès véritable des femmes à la décision. Ils peuvent au contraire permettre à des femmes sans références solides à accéder à des postes de grandes responsabilités qu’elles occupent avec difficultés. En 2022 il faut noter que la région de Diffa depuis plusieurs années compte parmi les autorités territoriales une mairesse sur 12 maires.Eu égard à ce qui précède et dans le souci d’apporter tant soit peu une réponse aux causes structurelles et aux principaux facteurs de tensions et conflits existant dans les communes ciblées , les fonds des Nations Unies pour la Consolidation de la Paix (Peace Building Fund – PBF) a financé le projet « Prévention des conflits et renforcement de la résilience dans les zones de retour des communes de Bosso, Gueskerou et Kablewa à Diffa) » à hauteur de 4 millions USD sur une durée de 36 mois, lequel est mis en œuvre par l’OIM et UNFPA à travers les 4 partenaires de mise en œuvre dont RICO, ID VERT, GARKUA et APBE.
L’objectif global poursuivi par ce projet est de contribuer à la consolidation de la Paix à travers la prévention des conflits et le renforcement de la résilience dans les communes de retour de Bosso, Geskerou et Kablewa dans la région de Diffa. Trois résultats concourent à l’atteinte de cet objectif à savoir :
Trois résultats sont attendus à l’issue de la mise en œuvre de ce projet à savoir :
Résultat 1 : La gouvernance locale des Communes de Bosso, Gueskerou et Kablewa est renforcée par des mécanismes de dialogue inclusifs et de cohésion sociale.
Résultat 2 : Les communautés, notamment les femmes et les jeunes, dans les zones de retour ont une meilleure résilience économique.
Résultat 3 : Les communautés retournées, en particulier les jeunes et les femmes, ont un accès renforcé aux services sociaux de base en vue d’un retour et stabilisation durable.
Afin de mener à bon port les activités déléguées, le projet a opté pour une approche participative visant la mise en œuvre directe des activités en utilisant les Organisations de la Société Civile (Garkua, ID VERT, RICO, APBE et FAD) en étroite collaboration avec le gouvernorat de la région, les services techniques régionaux et communaux ainsi que les mairies actuellement sous la responsabilité des Administrateurs Délégués.
Après les 36 mois d’exécution du projet, il appert utile et opportun de conduire une évaluation finale en vue d’apporter une appréciation systématique et objective sur la conception du projet, sa mise en œuvre, l’accomplissement de l’objectif et le niveau d’atteinte des résultats escomptés.
Les présents TdRs sont élaborés pour guider la conduite de cette évaluation finale.
- Objectifs de l’évaluation finale
Cette évaluation finale vise à dresser un bilan global de la mise en œuvre du projet à travers une appréciation qualitative et quantitative des résultats obtenus et du niveau d’atteinte des objectifs aux fins de déterminer sa valeur ajoutée à la consolidation de la paix dans la région de Diffa. Elle vise de manière spécifique à :
- Passer en revue toutes les activités mises en œuvre avec un focus sur leur pertinence et leur adéquation en termes de traitement des principaux facteurs de conflits et des questions de consolidation de la paix.
- Évaluer l'efficacité et l’efficience du projet y compris sa stratégie de mise en œuvre ainsi que sa gestion et ses systèmes opérationnels.
- Analyser le niveau d’alignement du projet au cadre stratégique du PBF et sa contribution à la consolidation de la paix dans la région de Diffa en général et dans les zones de retour en particulier.
- Examiner si l’apport du PBF sur les agendas « Femmes, Paix et Sécurité » et « Jeunes, Paix et Sécurité » a permis de mettre l'accent sur la participation spécifique des femmes et des jeunes dans les processus de consolidation de la paix et de cohésion sociale et s'il était responsable de l'égalité de genre.
- Identifier tous les problèmes liés à la planification, à la mise en œuvre, au monitoring et aux différents outils de gestion opérationnelle mis en œuvre ;
- Evaluer qualitativement et quantitativement les effets du projet sur les principaux bénéficiaires ainsi que les bénéficiaires secondaires.
- Identifier les bonnes pratiques prometteuses pour l’apprentissage et mettre en évidence les principales leçons apprises afin d’améliorer la conception et la mise en œuvre de projets futurs.
- Proposer des ajustements stratégiques efficients et pertinents permettant non seulement la reformulation d’une nouvelle phase (si possible) mais aussi la pérennisation de l’action.
- Portée de l’évaluation
Cette évaluation examinera le processus de mise en œuvre du projet ainsi que les résultats obtenus en matière de consolidation de la paix, en s'appuyant sur le cadre de résultats ainsi que sur d'autres données de suivi collectées sur les résultats et les impacts du projet.
Les questions d'évaluation seront basées sur les critères d'évaluation de l'OCDE/DAC ainsi que sur les critères spécifiques du PBF qui ont été adaptés au contexte.
Les évaluateur(s) devront s'assurer que l'évaluation des résultats en matière de consolidation de la paix est la principale ligne de recherche. Ainsi, cette évaluation prendra en compte tous les résultats observables sur toute la durée de mise en œuvre du projet (d’Octobre 2022 à octobre 2025) principalement au niveau des zones d’interventiondu projet à savoir Bosso, Gueskerou et Kablewa. En outre, elle devra porter sur les thématiques ci-dessous :
- Les mécanismes de dialogues inclusifs et de cohésion sociale entre autorités et leurs administrés
- Le renforcement des capacités des autorités locales, élus locaux, bénéficiaires et autres parties prenantes
- La protection de l’environnement par les jeunes et pour les jeunes
- La mise en place des AGR ainsi que leur gestion et leur impact sur la vie socio-économique des ménages,
- L’implication des autorités locales et des acteurs de la société civile dans la dynamique de la consolidation de la paix.
- Les instances de gouvernance locale de suivi des activités et de pérennisation des acquis du projet
- La protection sociale et la lutte contre les VBG
- La réhabilitation des infrastructures sociaux de base
- L’accès aux services sociaux de base en vue d’un retour et stabilisation durable
La théorie du changement (voir la Note d'orientation sur la théorie du changement) ainsi que les thématiques transversales (la promotion du genre, les droits humains et la sensibilité aux conflits) seront également couvertes par l’évaluation.
Cette évaluation utilisera les six principaux critères de l'OCDE-CAD qui sont la pertinence, la cohérence, l'efficacité, l'efficience, l'impact et la durabilité ainsi que les questions transversales de genre et de sensibilité aux conflits. Il s’agit des critères suivants :
- Pertinence : ce critère cherche à apprécier dans quelle mesure le projet répond aux priorités et aux besoins réels des bénéficiaires ainsi que le degré d’intégration au contexte institutionnel ;
- Cohérence : ce critère a été retenu afin d’apprécier dans quelle mesure le projet est compatible avec les autres interventions menées au niveau de Diffa et au sein de l’OIM ;
- Efficacité : Ce critère cherche à connaitre dans quelle mesure les objectifs de l’intervention ont été atteints ou sont en train de l’être, compte tenu de leur importance ;
- Efficience : Elle va nous aider à faire une analyse « coût – activité » afin de confirmer ou d’infirmer si les activités du projet ont été menées avec des coûts acceptables.
- Impact : ce critère cherche à identifier, au-delà des effets positifs attendus mis en lumière dans le cadre du critère d’efficacité, les effets à long terme éventuellement non-attendus liés au projet, qu’ils soient positifs ou négatifs ;
- Durabilité : le critère de durabilité a été retenu afin d’apprécier dans quelle mesure les résultats de l’intervention présentent des éléments porteurs de durabilité.
- Thématiques transversales (Genre, droits de l’homme et la programmation sensible aux conflits) : une attention particulière sera portée à l’intégration effective des dimensions de genre et de sensibilité aux conflits dans le cadre de cette évaluation.
- Effet catalytique : Il vise à documenter la capacite du projet à attirer plus de fonds pour le projet ou alors l’approche programmatique du projet par d’autres organisations.
- Questions d’évaluation
Les principales questions de l’évaluation sont ci-dessous énumérées par critère d’évaluation retenus au préalable :
- Pertinence
- Dans quelle mesure la stratégie du projet et les activités réalisées étaient-elles pertinentes dans la réponse apportée aux besoins réels des jeunes femmes et hommes des départements de Diffa, N’guigmi et Bosso ?
- Dans quelle mesure le projet a-t-il été pertinent et réactif pour soutenir les priorités de consolidation de la paix et les lacunes en matière de consolidation de la paix dans la région de Diffa ? La pertinence a-t-elle continué tout au long de la mise en œuvre ?
- Le projet a-t-il été pertinent pour traiter les moteurs de conflits et les facteurs de paix identifiés dans une analyse du conflit ?
- Le projet a-t-il été aligné sur les stratégies nationales et les défis majeurs de consolidation de la paix dans la région de Diffa ?
- Dans quelle mesure le projet a-t-il été conforme aux priorités du fonds des Nations Unies pour la consolidation de la paix (PBF) ?
- Dans quelle mesure les objectifs et la conception du projet étaient-ils adaptés aux besoins des bénéficiaires ?
- Cohérence
- Cohérence interne : dans quelle mesure le projet a créé des synergies et des liens entre d'autres interventions mises en œuvre par les agences du Système des Nations Unies dans le domaine de consolidation de la paix et des ODD à Diffa ?
- Cohérence externe : Dans quelle mesure les interventions du projet s’alignent aux priorités du gouvernement en matière de consolidation de la paix ?
- Est-ce que les activités du projet ont été réalisées de manière cohérente et cela dans le respect des différentes étapes du cycle de vie d’un projet ?
- Efficacité
- Dans quelle mesure l’objectif du projet, les résultats et les produits visés ont-ils été réalisés et comment ?
- Quels ont été les principaux facteurs ayant influencé la réalisation ou non des objectifs ?
- Dans quelle mesure ce projet a atteint les bénéficiaires ciblés au niveau de l’objectif du projet et des résultats ? Combien de bénéficiaires ont été atteints ?
- Quels facteurs internes et externes ont contribué à la réalisation/l’échec de l’objectif, des résultats et des produits visés dans le projet ? Comment ?
- Le projet a-t-il été mis en œuvre comme prévu initialement ? Si non pour quelles raisons et quelles ont été les mesures prises pour y remédier ?
- Dans quelle mesure y a-t-il eu des effets positifs imprévus par rapport aux résultats escomptés dans le document de projet ?
- Dans quelle mesure la stratégie de ciblage du projet a-t-elle été appropriée et claire en termes de ciblage géographique et de ciblage des bénéficiaires ?
- Le système de suivi du projet a-t-il permis de recueillir de manière adéquate les données sur les résultats en matière de consolidation de la paix à un niveau de résultats et de produits appropriés ? Comment les données mises à jour ont-elles été utilisées pour gérer le projet ?
- Si des effets négatifs imprévus sur les groupes cibles se sont produits ou sont susceptibles de se produire, dans quelle mesure l’équipe du projet a-t-elle pris les mesures appropriées ?
- Dans quelle mesure le projet a contribué à la consolidation de la paix à Diffa ?